Tintamarres #9 : Paul Ramage

Parcours

Cette rencontre-concert sera placée sous le signe du jeu en direct, avec divers dispositifs expérimentaux (microphones, feed-back, ondes radiophoniques, magnétophones à bande…) pour faire la part belle à une pratique de l’improvisation.

Rien d’étonnant quant à ce choix puisque les musiques improvisées jalonnent le parcours de notre invité : violoniste de formation, il a mené ses études en violon classique et musique de chambre au sein des Conservatoires de Cergy-Pontoise et Paris, où il a obtenu son Diplôme d’État de violon, de composition électroacoustique et de jazz. Pour ce domaine musical, le fil à suivre remonte à la rencontre de Paul Ramage avec Didier Lockwood, dont il a intégré l’école de jazz en 2003.

Passé par les stages d’interprétation acousmatiques du Festival Futura en 2012 et 2013, Paul Ramage a notamment croisé le chemin de Denis Dufour – que nous avons eu le plaisir de programmer il y a quelques années – et de Jonathan Prager. C’est avec lui que certains d’entre vous ont peut-être croisé notre invité le 16 septembre dernier à l’occasion de l’événement Ciné-Concert « l’Homme à la Caméra » au Mucem.

Compositeur d’une vingtaine de pièces acousmatiques, mixtes ou instrumentales, Paul Ramage est aujourd’hui membre d’Alcôme, compagnie de création et de diffusion de musique contemporaine. Au-delà de la France, ses œuvres sont jouées aux Etats-Unis, en Chine ou au Japon où il se trouvait encore tout récemment.

Torii (鳥居), un portail traditionnel japonais

A ce sujet, nous vous invitons à écouter “Torii, la porte du moi”, un carnet de voyage sonore dans ce pays.
On y entend aussi le travail de Vincent Laubeuf – un autre compositeur déjà accueilli sur notre scène. Diffusée sur France Culture en février dernier, la pièce est toujours en écoute : c’est par ici.

 

Si vous souhaitez avoir encore un aperçu de l’univers de notre invité, voici d’autres liens :
Quelques pièces en écoute sur Soundcloud
Le site de la Compagnie Alcôme et l’émission Les électrons libres invitent Alcôme diffusée sur Radio Libertaire en octobre dernier.

Et pour ce nouveau billet de blog, nous avons choisi la forme du questionnaire afin de préparer sa venue.

 

Bonjour Paul Ramage pourriez-vous nous dire …

Quel est votre premier émoi musical ?
C’est une question à laquelle il est difficile de répondre…
Le sonore (au sens le plus large du terme, pas restreint au seul sens musical) a toujours été une chose importante pour moi – et j’y ai je crois, toujours été sensible. Si on entend premier émoi musical au sens d’une première émotion en situation d’écoute de musique voulue comme telle, alors je dirais : très jeune dans l’environnement de la discothèque familiale. En concert je ne me souviens pas vraiment…

Comment composez-vous ? (Avec le crayon ? Le clavier de l’ordinateur ? Celui du piano ? Isolé ou entouré ?….)

Tout dépend de ce qu’il y a à composer : musique instrumentale, mixte, électroacoustique, travail d’application ou d’improvisation… mais je fonctionne comme beaucoup de gens : par projets.

J’essaye autant que faire se peut que ces derniers rendent perceptibles mes intentions, mes désirs, mes inclinaisons, en définitive mon humanité.

Ainsi je passe beaucoup de temps avant la réalisation à étayer mes projets, à les documenter, à recouper mes sources, ramifier mes perceptions, écrire, dessiner sur du papier … c’est en définitive un peu un travail d’enquête introspective.
Ensuite, une fois que le projet est clairement architecturé dans ma tête (et sur le papier), je passe soit à l’écriture sur partition pour ce qui est de l’instrumental, soit à la phase prise et collecte de sons pour ce qui est de l’ordre de l’électroacoustique. Là, j’utilise tous les sons et donc tous les corps sonores possibles et imaginables si tant est qu’ils entrent en résonance avec le projet que je suis en train de construire. Dans le dernier cas c’est à partir de ces corps sonores une fois « nettoyés », « calibrés », préparés que j’écris et compose sur l’ordinateur.

 

Quelle image sonore vous hante aujourd’hui ?

Je ne crois pas être hanté par une image sonore en particulier. Je suis certes obsessionnel, mais pas au point de me priver de la richesse de toutes les sonorités qui nous entourent.

Quelle est la musique que vous n’écoutez plus ?
Aujourd’hui je n’écoute plus ou quasiment plus de Jazz.
J’écoute toujours quelques disques car c’est une musique riche de trésors, mais je crois qu’elle ne me correspond plus trop aujourd’hui.

 

Quelle est la musicienne, le musicien, le collectif dont vous suivez le travail avec attention / appétit ?
Il y en a beaucoup, mais évidemment je suis sans doute en premier la compagnie Alcôme dont je fais partie ! Sinon je suis très curieux de tout ce qui peut se faire de créatif, et très attentif aux nouvelles compositrices et nouveaux compositeurs (ceux qui sortent des classes, comme des placards), aux nouvelles propositions artistiques, sonores et musicales.

Collectif Alcôme

Quelle est la musicienne, le musicien, le collectif dont le travail est à vos yeux (vos oreilles) injustement méconnu ?
Il y en a beaucoup, une liste exhaustive serait difficile à établir. Globalement la création dès qu’elle sort d’un académisme pompier ou lénifiant, est assez (très ?) souvent marginalisée. C’est le lot de beaucoup de créateurs sonores qui ne cherchent pas à faire de compromis (enfin pas trop) avec eux-même que de rester dans un certain anonymat.

Qu’est-ce qui vous distingue des autres ? (c’est la question Sophie Calle)
Mes expériences de vie, mon environnement, donc mon humanité et par là-même la musique qui en résulte.

Que sont devenus vos rêves d’enfants ? (C’est la deuxième question Sophie Calle)
J’ai l’impression d’être encore un enfant… Je suis assez idéaliste, donc je rêve toujours !

Quelle serait la musique à écouter à la fin de cet entretien ?
Au moment où j’écris ces lignes je suis au Japon et j’aurais tendance à proposer quelque chose de cette teneur (par exemple un duo Kawaii Noise complètement délirant et libre… composé de deux sexagénaires Japonaises : : 杉浦こずえ  Kozue Sugiura + 俊山晶子 Shoko Toshiyama), mais comme je refuse l’exclusivité en musique je ne saurais quoi

“c’est comme pour le vin…”

conseiller, puisque cela dépend des états d’esprit, de corps ou d’âmes de chacun : c’est comme pour le vin, tout dépend de ce qu’on a envie de boire, avec quoi, avec qui, et comment…

Comment s’inscrit votre génération dans l’histoire de l’art acoustique ? Quelle est la part de rupture et de continuité ?
Cette question n’est pas fairplay par ce qu’il faudrait écrire beaucoup là-dessus…
Néanmoins, la continuité de notre génération existe je pense avec l’école française, et au-delà dans l’intérêt qu’elle porte au sonore et aux perceptions que propose celui-ci.
La rupture, même s’il y a plein d’exemples qui nous précèdent, est peut-être dans le fait que nous n’attendons plus d’exister au travers des grandes institutions musicales. Nous sommes dans un partage et un échange plus immédiat avec les gens que ces musiques intéressent ou interpellent. C’est sans doute un avantage de l’informatique et d’internet.
La rupture encore, pour notre génération – et c’est une conséquence de ce que je dis plus haut – est peut-être qu’on ne cherche pas la rupture pour exister (ce n’est pas la rupture qui nous construit ou nous démarque), mais on cherche plutôt à faire et à être (humainement et musicalement) pour pouvoir créer…

Merci beaucoup Paul, nous te souhaitons un bel et bon séjour marseillais, une belle rencontre avec nos élèves, et un bon concert chez nous.